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Algérie: Non, filmer n’est pas un crime

Filmer n’est pas un délit, encore moins un crime. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la loi. Mais ce que dit la loi, ce n’est pas la règle ces temps-ci.

Journal El Watan, 25 avril 2014

Youcef Ouled Dada, 47 ans, est informaticien et il a été condamné à deux ans de prison ferme pour une vidéo. Il habite dans la région de Ghardaia. Il est accusé d’avoir «trafiqué» et partagé sur les réseaux sociaux une vidéo qui montre trois policiers entrant dans un magasin alors que la rue est déserte et en ressortant des cartons plein les bras.

 

On ne l’accuse pas d’avoir filmé, la justice lui reproche la «publication et le partage de photos et de vidéos touchant à l’intérêt national» et l’«outrage à corps constitué».

Les habitants de la région de Ghardaia ont été très «producteurs» de vidéos sur les réseaux sociaux. Entre novembre et mars, des violences entre habitants ont fait sept morts et beaucoup de dégâts. A cette époque, ce sont des vidéos, diffusées sur YouTube, qui poussent la presse à réagir, et parfois, la police à ouvrir des enquêtes.

Comme lorsqu’un homme est tué par arme blanche…

… ou quand des policiers sont accusés de soutenir des émeutiers.

 

Le 20 avril dernier, c’est également grâce à des vidéos publiées sur Youtube que les médias, et par conséquent, une partie des Algériens visualise la répression d’une manifestation en Kabylie.

Le lendemain, un jeune homme est interpellé alors qu’il filme avec son téléphone portable. «J’ai été arrêté par des policiers en civil qui m’ont confisqué mon appareil avant de supprimer toutes les vidéos et photos que j’ai prises lors des émeutes», raconte-t-il au journal El Watan.

A la mi-juin, un homme arrive aux urgences pédiatriques de Constantine avec son bébé qui respire mal dans les bras. L’hôpital est vide. Il sort son téléphone et filme les couloirs.

La première personne apparaît 20 minutes plus tard, c’est un agent de sécurité. Relayé par les médias, la vidéo pousse l’hôpital à «suspendre 9 médecins et infirmiers». Mais la Direction de la santé, de la population et de la réforme hospitalière (DSP) dépose plainte contre le père pour «diffamation».

A l’heure de la 3G, de l’apogée de Facebook comme moyen de communication, alors que la télévision étatique reste un média du pouvoir, que les autorités font pression sur certains médias, qu’aucun journal n’a les moyens d’avoir des journalistes dans les 48 wilayas de ce pays, l’information citoyenne n’est pas seulement importante, elle est vitale. Filmer, n’est pas un crime. Informer est un droit.

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leilaberatto

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